Ă VICTOR HUGO I Dans les plis sinueux des vieilles capitales, OĂč tout, mĂȘme lâhorreur, tourne aux enchantements, Je guette, obĂ©issant Ă mes humeurs fatales, Des ĂȘtres singuliers, dĂ©crĂ©pits et charmants. Ces monstres disloquĂ©s furent jadis des femmes, Ăponine ou LaĂŻs ! Monstres brisĂ©s, bossus Ou tordus, aimons-les ! ce sont encor des Ăąmes. Sous des jupons trouĂ©s et sous de froids tissus Ils rampent, flagellĂ©s par les bises iniques, FrĂ©missant au fracas roulant des omnibus, Et serrant sur leur flanc, ainsi que des reliques, Un petit sac brodĂ© de fleurs ou de rĂ©bus ; Ils trottent, tout pareils Ă des marionnettes ; Se traĂźnent, comme font les animaux blessĂ©s, Ou dansent, sans vouloir danser, pauvres sonnettes OĂč se pend un DĂ©mon sans pitiĂ© ! Tout cassĂ©s Quâils sont, ils ont des yeux perçants comme une vrille, Luisants comme ces trous oĂč lâeau dort dans la nuit ; Ils ont les yeux divins de la petite fille Qui sâĂ©tonne et qui rit Ă tout ce qui reluit. â Avez-vous observĂ© que maints cercueils de vieilles Sont presque aussi petits que celui dâun enfant ? La Mort savante met dans ces biĂšres pareilles Un symbole dâun goĂ»t bizarre et captivant, Et lorsque jâentrevois un fantĂŽme dĂ©bile Traversant de Paris le fourmillant tableau, Il me semble toujours que cet ĂȘtre fragile Sâen va tout doucement vers un nouveau berceau ; Ă moins que, mĂ©ditant sur la gĂ©omĂ©trie, Je ne cherche, Ă lâaspect de ces membres discords, Combien de fois il faut que lâouvrier varie La forme de la boĂźte oĂč lâon met tous ces corps. â Ces yeux sont des puits faits dâun million de larmes, Des creusets quâun mĂ©tal refroidi pailleta⊠Ces yeux mystĂ©rieux ont dâinvincibles charmes Pour celui que lâaustĂšre Infortune allaita ! IIDe Frascati dĂ©funt Vestale enamourĂ©e ; PrĂȘtresse de Thalie, hĂ©las ! dont le souffleur EnterrĂ© sait le nom ; cĂ©lĂšbre Ă©vaporĂ©e Que Tivoli jadis ombragea dans sa fleur, Toutes mâenivrent ! mais parmi ces ĂȘtres frĂȘles Il en est qui, faisant de la douleur un miel, Ont dit au DĂ©vouement qui leur prĂȘtait ses ailes Hippogriffe puissant, mĂšne-moi jusquâau ciel ! Lâune, par sa patrie au malheur exercĂ©e, Lâautre, que son Ă©poux surchargea de douleurs, Lâautre, par son enfant Madone transpercĂ©e, Toutes auraient pu faire un fleuve avec leurs pleurs ! IIIAh ! que jâen ai suivi de ces petites vieilles ! Une, entre autres, Ă lâheure oĂč le soleil tombant Ensanglante le ciel de blessures vermeilles, Pensive, sâasseyait Ă lâĂ©cart sur un banc, Pour entendre un de ces concerts, riches de cuivre, Dont les soldats parfois inondent nos jardins, Et qui, dans ces soirs dâor oĂč lâon se sent revivre, Versent quelque hĂ©roĂŻsme au cĆur des citadins. Celle-lĂ , droite encor, fiĂšre et sentant la rĂšgle, Humait avidement ce chant vif et guerrier ; Son Ćil parfois sâouvrait comme lâĆil dâun vieil aigle ; Son front de marbre avait lâair fait pour le laurier ! IVTelles vous cheminez, stoĂŻques et sans plaintes, Ă travers le chaos des vivantes citĂ©s, MĂšres au cĆur saignant, courtisanes ou saintes, Dont autrefois les noms par tous Ă©taient citĂ©s. Vous qui fĂ»tes la grĂące ou qui fĂ»tes la gloire, Nul ne vous reconnaĂźt ! un ivrogne incivil Vous insulte en passant dâun amour dĂ©risoire ; Sur vos talons gambade un enfant lĂąche et vil. Honteuses dâexister, ombres ratatinĂ©es, Peureuses, le dos bas, vous cĂŽtoyez les murs ; Et nul ne vous salue, Ă©tranges destinĂ©es ! DĂ©bris dâhumanitĂ© pour lâĂ©ternitĂ© mĂ»rs ! Mais moi, moi qui de loin tendrement vous surveille, LâĆil inquiet, fixĂ© sur vos pas incertains, Tout comme si jâĂ©tais votre pĂšre, ĂŽ merveille ! Je goĂ»te Ă votre insu des plaisirs clandestins Je vois sâĂ©panouir vos passions novices ; Sombres ou lumineux, je vis vos jours perdus ; Mon cĆur multipliĂ© jouit de tous vos vices ! Mon Ăąme resplendit de toutes vos vertus ! Ruines ! ma famille ! ĂŽ cerveaux congĂ©nĂšres ! Je vous fais chaque soir un solennel adieu ! OĂč serez-vous demain, Ăves octogĂ©naires, Sur qui pĂšse la griffe effroyable de Dieu ?
Ex: « les petites vieil les » (« plis sinueux des vieilles capitales ») ; « Le cygne » (« bric-Ă -brac confus »). RĂšgne de lâangulaire, mĂȘme pour les habitants (voir « les sept vieillardsâ -> vieillard « cassĂ© » et non « voĂ»tĂ© »). Les ieilles sont des monstres disloquĂ©s (« les petites vieilles ») -> ĂȘtres qui se soumettent au caractĂšre anguleux du paysage. b) Un
Le choix du titre Le Spleen de Paris, dans de nombreuses Ă©ditions modernes, se justifie par une lecture du recueil tournĂ©e vers la poĂ©tique de la grande ville. Baudelaire lui-mĂȘme annonce, dans la lettre quâil adresse Ă ArsĂšne Houssaye pour lui prĂ©senter ses poĂšmes, lâimportance de la frĂ©quentation des villes Ă©normes » et du croisement de leurs innombrables rapports » dans la formation dâun idĂ©al obsĂ©dant ». Cet intĂ©rĂȘt pour la beautĂ© de la vie moderne et urbaine, dĂ©jĂ sensible dans les Tableaux parisiens », qui explorent les plis sinueux des vieilles capitales », prend dans le recueil une place centrale. Une poĂ©tique de la ville Cette poĂ©tique constitue une rĂ©ponse au sentiment de perte qui suit la transformation de Paris sous lâeffet des travaux du baron Haussmann. Dans ses poĂšmes en prose comme dans Le Peintre de la vie moderne, Baudelaire lie le sentiment de la modernitĂ© Ă la vie de la grande ville. Le beau moderne câest le transitoire, le fugitif, le contingent, la moitiĂ© de lâart, dont lâautre moitiĂ© est lâĂ©ternel et lâimmuable » Le Peintre de la vie moderne, 1863. Baudelaire donne Ă voir, dans ses poĂšmes en prose, le violent contraste de la grande ville qui place le confort des riches sous les yeux des pauvres, qui offre aux Ăąmes solitaires la sĂ©duction de la fĂȘte populaire Un plaisant », Les Veuves » mais qui leur impose en mĂȘme temps la tyrannie de la face humaine » Ă une heure du matin ». Cependant, les poĂšmes du recueil excĂšdent largement leur cadre de crĂ©ation, et sâen affranchissent parfois tout-Ă -fait. Dans Le Spleen de Paris sâexprime certes le plaisir du flĂąneur urbain, mais aussi la curiositĂ© ou le regard sarcastique du moraliste, la mĂ©lancolie de lâhomme moderne et la crĂ©ativitĂ© parfois exotique du rĂȘveur. Une rĂ©invention de la forme Dans la prĂ©face de son recueil, Baudelaire se reconnaĂźt un modĂšle esthĂ©tique, Aloysius Bertrand 1807-1841, auteur de Gaspard de la nuit posthume, 1842. Cependant, cet aveu, de mĂȘme que son allĂ©geance Ă la poĂ©sie dâArsĂšne Houssaye, patron de presse avant dâĂȘtre poĂšte, ne peut ĂȘtre compris comme un manifeste esthĂ©tique sincĂšre. La poĂ©tique de Baudelaire participe Ă une rĂ©invention du genre ou des genres du poĂšme en prose. CaractĂ©risĂ©s par lâunitĂ© et le lyrisme plus que par la briĂšvetĂ©, les poĂšmes se font tantĂŽt apologues, tantĂŽt Ă©pigrammes, tantĂŽt mĂ©ditations, selon la typologie retenue par Michel Murat. Baudelaire cherche dans cette forme une souplesse qui permette un lyrisme plus authentique, mais il ambitionne Ă©galement de continuer, dâexpliciter ou de complĂ©ter Les Fleurs du Mal, dont Le Spleen de Paris se veut le pendant ». Il veut dans ce recueil dĂ©passer les contrastes en associant lâeffrayant avec le bouffon, et mĂȘme la tendresse avec la haine » Assommons les pauvres ! », Mademoiselle Bistouri », Le mauvais vitrier », La corde ». La poĂ©sie des images se mĂȘle ici Ă un rĂ©alisme parfois cruel.
Dans les plis sinueux des vieilles capitales, comme une anatomie et une gĂ©ographie imaginaires. Au tournant du XXIe siĂšcle, lâart contemporain contamine Paris. 1700 pages curieusement fluides, agrĂ©ables Ă lire, en partie centrĂ©es sur Claude-HĂ©lĂšne, une femme de 40 ans qui Magistrale comĂ©die de mĆurs Ă lâĂ©chelle dâune ville, ce roman de Sylvie Taussig
Ă Victor les plis sinueux des vieilles capitales, OĂč tout, mĂȘme l'horreur, tourne aux enchantements, Je guette, obĂ©issant Ă mes humeurs fatales Des ĂȘtres singuliers, dĂ©crĂ©pits et monstres disloquĂ©s furent jadis des femmes, Ăponine ou LaĂŻs ! Monstres brisĂ©s, bossus Ou tordus, aimons-les ! ce sont encor des Ăąmes. Sous des jupons trouĂ©s et sous de froids tissusIls rampent, flagellĂ©s par les bises iniques, FrĂ©missant au fracas roulant des omnibus, Et serrant sur leur flanc, ainsi que des reliques, Un petit sac brodĂ© de fleurs ou de rĂ©bus ;Ils trottent, tout pareils Ă des marionnettes ; Se traĂźnent, comme font les animaux blessĂ©s, Ou dansent, sans vouloir danser, pauvres sonnettes OĂč se pend un DĂ©mon sans pitiĂ© ! Tout cassĂ©sQu'ils sont, ils ont des yeux perçants comme une vrille, Luisants comme ces trous oĂč l'eau dort dans la nuit ; Ils ont les yeux divins de la petite fille Qui s'Ă©tonne et qui rit Ă tout ce qui Avez-vous observĂ© que maints cercueils de vieilles Sont presque aussi petits que celui d'un enfant ? La Mort savante met dans ces biĂšres pareilles Un symbole d'un goĂ»t bizarre et captivant,Et lorsque j'entrevois un fantĂŽme dĂ©bile Traversant de Paris le fourmillant tableau, Il me semble toujours que cet ĂȘtre fragile S'en va tout doucement vers un nouveau berceau ;A moins que, mĂ©ditant sur la gĂ©omĂ©trie, Je ne cherche, Ă l'aspect de ces membres discords, Combien de fois il faut que l'ouvrier varie La forme de la boĂźte oĂč l'on met tous ces Ces yeux sont des puits faits d'un million de larmes, Des creusets qu'un mĂ©tal refroidi pailleta... Ces yeux mystĂ©rieux ont d'invincibles charmes Pour celui que l'austĂšre Infortune allaita ! Frascati dĂ©funt Vestale enamourĂ©e ; PrĂȘtresse de Thalie, hĂ©las ! dont le souffleur EnterrĂ© sait le nom ; cĂ©lĂšbre Ă©vaporĂ©e Que Tivoli jadis ombragea dans sa fleur,Toutes m'enivrent ; mais parmi ces ĂȘtres frĂȘles Il en est qui, faisant de la douleur un miel Ont dit au DĂ©vouement qui leur prĂȘtait ses ailes Hippogriffe puissant, mĂšne-moi jusqu'au ciel !L'une, par sa patrie au malheur exercĂ©e, L'autre, que son Ă©poux surchargea de douleurs, L'autre, par son enfant Madone transpercĂ©e, Toutes auraient pu faire un fleuve avec leurs pleurs ! ! que j'en ai suivi de ces petites vieilles ! Une, entre autres, Ă l'heure oĂč le soleil tombant Ensanglante le ciel de blessures vermeilles, Pensive, s'asseyait Ă l'Ă©cart sur un banc,Pour entendre un de ces concerts, riches de cuivre, Dont les soldats parfois inondent nos jardins, Et qui, dans ces soirs d'or oĂč l'on se sent revivre, Versent quelque hĂ©roĂŻsme au coeur des droite encor, fiĂšre et sentant la rĂšgle, Humait avidement ce chant vif et guerrier ; Son oeil parfois s'ouvrait comme l'oeil d'un vieil aigle ; Son front de marbre avait l'air fait pour le laurier ! vous cheminez, stoĂŻques et sans plaintes, A travers le chaos des vivantes citĂ©s, MĂšres au coeur saignant, courtisanes ou saintes, Dont autrefois les noms par tous Ă©taient qui fĂ»tes la grĂące ou qui fĂ»tes la gloire, Nul ne vous reconnaĂźt ! un ivrogne incivil Vous insulte en passant d'un amour dĂ©risoire ; Sur vos talons gambade un enfant lĂąche et d'exister, ombres ratatinĂ©es, Peureuses, le dos bas, vous cĂŽtoyez les murs ; Et nul ne vous salue, Ă©tranges destinĂ©es ! DĂ©bris d'humanitĂ© pour l'Ă©ternitĂ© mĂ»rs !Mais moi, moi qui de loin tendrement vous surveille, L'oeil inquiet, fixĂ© sur vos pas incertains, Tout comme si j'Ă©tais votre pĂšre, ĂŽ merveille ! Je goĂ»te Ă votre insu des plaisirs clandestins Je vois s'Ă©panouir vos passions novices ; Sombres ou lumineux, je vis vos jours perdus ; Mon coeur multipliĂ© jouit de tous vos vices ! Mon Ăąme resplendit de toutes vos vertus !Ruines ! ma famille ! ĂŽ cerveaux congĂ©nĂšres ! Je vous fais chaque soir un solennel adieu ! OĂč serez-vous demain, Ăves octogĂ©naires, Sur qui pĂšse la griffe effroyable de Dieu ?
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Dans le cadre des Diagonales de la Photographie 2012. RĂ©sidence et exposition soutenues par la DRAC RhĂŽne-Alpes Ăcritures de LumiĂšre / MinistĂšre de la Culture et la Ville de Roanne. Yveline Loiseur dĂ©veloppe un travail photographique protĂ©iforme incluant lâinstallation, le papier peint et le livre dâartiste. MĂȘlant lâexpĂ©rience de lâinstantanĂ© avec la mise en scĂšne et la reconstitution en atelier, elle explore les notions de temps, de passage et de mĂ©moire, dessinant une gĂ©ographie sinueuse entre histoire collective, expĂ©rience individuelle et souvenir dâenfance. Depuis la sphĂšre privĂ©e La Vie courante jusque dans le milieu urbain Les Villes invisibles, CrĂ©puscule du matin, Cavalier seul, La Vie matĂ©rielle avec Bureau lâImprimante, chacun de ses projets est conçu Ă partir de micro Ă©vĂ©nements issus du quotidien, accumulĂ©s, rejouĂ©s et recontextualisĂ©s pour entrer en rĂ©sonance avec un environnement social. La photographie devient un territoire dâexpĂ©rimentations poĂ©tiques dans lesquelles le spectateur est amenĂ© Ă se projeter. A Roanne, dans le cadre dâune rĂ©sidence dâartiste Ecriture de LumiĂšres /MinistĂšre de la Culture qui sâest dĂ©roulĂ©e de septembre 2010 Ă avril 2011, elle a menĂ© Ă la fois des ateliers artistiques auprĂšs des scolaires et un travail de crĂ©ation photographique sur la ville. Elle a sillonnĂ© Roanne plusieurs mois avec pour seule contrainte les limites de ce territoire. Elle capte lâordinaire dâune ville, loin des repĂšres habituels, fixant lâintimitĂ© de ses passages, ses Ă©chappĂ©es, ses interstices, ses plis. Elle rassemble, dans une sĂ©dimentation dâimages et dâhistoires, des fragments urbains, des portraits et un papier peint qui, comme une seconde peau de la ville, rejoue dans lâespace dâexposition, les liens qui unissent Roanne au textile. © Yveline Loiseur, Sans Titre 19, 2010, 20Ă29 cm © Yveline Loiseur, Sans Titre 37, 2011, 20Ă29 cm Biographie Yveline Loiseur est nĂ©e en 1965 Ă Cherbourg, elle vit et travaille Ă Lyon. Elle est diplĂŽmĂ©e de lâĂcole Nationale SupĂ©rieure de la Photographie dâArles en 1990 et de lâUniversitĂ© Paris I PanthĂ©on-Sorbonne en 1991. En 2011, elle est laurĂ©ate du programme RĂ©sidences Culturesfrance Hors les Murs Ă Trieste en Italie et en 2010 du Prix de la Quinzaine Photographique Nantaise. Elle bĂ©nĂ©ficie en 2009 dâune Aide Individuelle Ă la CrĂ©ation allouĂ©e par la Drac RhĂŽne Alpes â MinistĂšre de la Culture pour son projet Sylvie et Bruno autour du texte de Lewis Carroll. Son travail fait partie de nombreuses collections publiques et privĂ©es et est rĂ©guliĂšrement montrĂ© en France et Ă lâĂ©tranger, en 2011 Ă la MĂ©diathĂšque de Roanne et au Luxembourg, en 2010 Ă Bratislava et Ă Nantes, en 2009 Ă MontrĂ©al et Ă Marseille, en 2008 Ă lâInstitut français de Dresde, en 2006 au MusĂ©e dâart contemporain de Lyon.
Dansles plis sinueux des vieilles capitales, OĂč tout, mĂȘme lâhorreur, tourne aux enchantements, Je guette, obĂ©issant Ă mes humeurs fatales, Des ĂȘtres singuliers, dĂ©crĂ©pits et charmants Charles Baudelaire « Les petites vieilles ». HyperApollinaire. 1. Edition numĂ©rique intĂ©grale. La premiĂšre Ă©tape du travail consiste en lâocĂ©risation et la numĂ©risation conforme au
A Victor les plis sinueux des vieilles capitales, OĂč tout, mĂȘme lâhorreur, tourne aux enchantements, Je guette, obĂ©issant Ă mes humeurs fatales, Des ĂȘtres singuliers, dĂ©crĂ©pits et monstres disloquĂ©s furent jadis des femmes, Ăponine ou LaĂŻs ! Monstres brisĂ©s, bossusOu tordus, aimons-les ! ce sont encor des des jupons trouĂ©s et sous de froids tissusIls rampent, flagellĂ©s par les bises iniques, FrĂ©missant au fracas roulant des omnibus, Et serrant sur leur flanc, ainsi que des reliques, Un petit sac brodĂ© de fleurs ou de rĂ©bus ;Ils trottent, tout pareils Ă des marionnettes ;Se traĂźnent, comme font les animaux blessĂ©s, Ou dansent, sans vouloir danser, pauvres sonnettesOĂč se pend un DĂ©mon sans pitiĂ© ! Tout cassĂ©sQuâils sont, ils ont des yeux perçants comme une vrille, Luisants comme ces trous oĂč lâeau dort dans la nuit ;Ils ont les yeux divins de la petite filleQui sâĂ©tonne et qui rit Ă tout ce qui reluit.â Avez-vous observĂ© que maints cercueils de vieillesSont presque aussi petits que celui dâun enfant ?La Mort savante met dans ces biĂšres pareillesUn symbole dâun goĂ»t bizarre et captivant, Et lorsque jâentrevois un fantĂŽme dĂ©bileTraversant de Paris le fourmillant tableau, Il me semble toujours que cet ĂȘtre fragileSâen va tout doucement vers un nouveau berceau ;Ă moins que, mĂ©ditant sur la gĂ©omĂ©trie, Je ne cherche, Ă lâaspect de ces membres discords, Combien de fois il faut que lâouvrier varieLa forme de la boĂźte oĂč lâon met tous ces corps.â Ces yeux sont des puits faits dâun million de larmes, Des creusets quâun mĂ©tal refroidi pailletaâŠCes yeux mystĂ©rieux ont dâinvincibles charmesPour celui que lâaustĂšre Infortune allaita !IIDe Frascati dĂ©funt Vestale enamourĂ©e ;PrĂȘtresse de Thalie, hĂ©las ! dont le souffleurEnterrĂ© sait le nom ; cĂ©lĂšbre Ă©vaporĂ©eQue Tivoli jadis ombragea dans sa fleur, Toutes mâenivrent ! mais parmi ces ĂȘtres frĂȘlesIl en est qui, faisant de la douleur un miel, Ont dit au DĂ©vouement qui leur prĂȘtait ses ailes Hippogriffe puissant, mĂšne-moi jusquâau ciel !Lâune, par sa patrie au malheur exercĂ©e, Lâautre, que son Ă©poux surchargea de douleurs, Lâautre, par son enfant Madone transpercĂ©e, Toutes auraient pu faire un fleuve avec leurs pleurs !IIIAh ! que jâen ai suivi de ces petites vieilles !Une, entre autres, Ă lâheure oĂč le soleil tombantEnsanglante le ciel de blessures vermeilles, Pensive, sâasseyait Ă lâĂ©cart sur un banc,Pour entendre un de ces concerts, riches de cuivre, Dont les soldats parfois inondent nos jardins, Et qui, dans ces soirs dâor oĂč lâon se sent revivre, Versent quelque hĂ©roĂŻsme au cĆur des droite encor, fiĂšre et sentant la rĂšgle, Humait avidement ce chant vif et guerrier ;Son Ćil parfois sâouvrait comme lâĆil dâun vieil aigle ;Son front de marbre avait lâair fait pour le laurier !IVTelles vous cheminez, stoĂŻques et sans plaintes, Ă travers le chaos des vivantes citĂ©s, MĂšres au cĆur saignant, courtisanes ou saintes, Dont autrefois les noms par tous Ă©taient qui fĂ»tes la grĂące ou qui fĂ»tes la gloire, Nul ne vous reconnaĂźt ! un ivrogne incivilVous insulte en passant dâun amour dĂ©risoire ;Sur vos talons gambade un enfant lĂąche et dâexister, ombres ratatinĂ©es, Peureuses, le dos bas, vous cĂŽtoyez les murs ;Et nul ne vous salue, Ă©tranges destinĂ©es !DĂ©bris dâhumanitĂ© pour lâĂ©ternitĂ© mĂ»rs !Mais moi, moi qui de loin tendrement vous surveille, LâĆil inquiet, fixĂ© sur vos pas incertains, Tout comme si jâĂ©tais votre pĂšre, ĂŽ merveille !Je goĂ»te Ă votre insu des plaisirs clandestins Je vois sâĂ©panouir vos passions novices ;Sombres ou lumineux, je vis vos jours perdus ;Mon cĆur multipliĂ© jouit de tous vos vices !Mon Ăąme resplendit de toutes vos vertus !Ruines ! ma famille ! ĂŽ cerveaux congĂ©nĂšres !Je vous fais chaque soir un solennel adieu !OĂč serez-vous demain, Ăves octogĂ©naires, Sur qui pĂšse la griffe effroyable de Dieu ?***
Etudecomparative et intertextuelle sur le thĂšme des âfenĂȘtresâ dans quatre poĂšmes de Charles Baudelaire, StĂ©phane MallarmĂ©, Marie Krysinska et Guillaume Apollinaire. Charles Baudelaire (1821-1867), StĂ©phane MallarmĂ© (1842 -1898), Marie Krysinska (1857-1908) et Guillaume Apollinaire (1880-1918) prennent pour thĂšme « les fenĂȘtres » dans leur poĂ©sie. Cette
A Victor Hugo. I Dans les plis sinueux des vieilles capitales, OĂč tout, mĂȘme l'horreur, tourne aux enchantements, Je guette, obĂ©issant Ă mes humeurs fatales, Des ĂȘtres singuliers, dĂ©crĂ©pits et charmants. Ces monstres disloquĂ©s furent jadis des femmes, Eponine ou LaĂŻs ! Monstres brisĂ©s, bossus Ou tordus, aimons-les! ce sont encor des Ăąmes. Sous des jupons trouĂ©s et sous de froids tissus Ils rampent, flagellĂ©s par les bises iniques, FrĂ©missant au fracas roulant des omnibus, Et serrant sur leur flanc, ainsi que des reliques, Un petit sac brodĂ© de fleurs ou de rĂ©bus; Ils trottent, tout pareils Ă des marionnettes; Se traĂźnent, comme font les animaux blessĂ©s, Ou dansent, sans vouloir danser, pauvres sonnettes OĂč se pend un DĂ©mon sans pitiĂ©! Tout cassĂ©s Qu'ils sont, ils ont des yeux perçants comme une vrille, Luisants comme ces trous oĂč l'eau dort dans la nuit; Ils ont les yeux divins de la petite fille Qui s'Ă©tonne et qui rit Ă tout ce qui reluit. Avez-vous observĂ© que maints cercueils de vieilles Sont presque aussi petits que celui d'un enfant? La Mort savante met dans ces biĂšres pareilles Un symbole d'un goĂ»t bizarre et captivant, Et lorsque j'entrevois un fantĂŽme dĂ©bile Traversant de Paris le fourmillant tableau, Il me semble toujours que cet ĂȘtre fragile S'en va tout doucement vers un nouveau berceau; A moins que, mĂ©ditant sur la gĂ©omĂ©trie, Je ne cherche, Ă l'aspect de ces membres discords, Combien de fois il faut que l'ouvrier varie La forme de la boĂźte oĂč l'on met tous ces corps. Ces yeux sont des puits faits d'un million de larmes, Des creusets qu'un mĂ©tal refroidi pailleta... Ces yeux mystĂ©rieux ont d'invincibles charmes Pour celui que l'austĂšre Infortune allaita! II De Frascati dĂ©funt Vestale Ă©namourĂ©e; PrĂȘtresse de Thalie, hĂ©las ! dont le souffleur EnterrĂ© sait le nom; cĂ©lĂšbre Ă©vaporĂ©e Que Tivoli jadis ombragea dans sa fleur, Toutes m'enivrent! mais parmi ces ĂȘtres frĂȘles Il en est qui, faisant de la douleur un miel, Ont dit au DĂ©vouement qui leur prĂȘtait ses ailes Hippogriffe puissant, mĂšne-moi jusqu'au ciel! L'une, par sa patrie au malheur exercĂ©e, L'autre, que son Ă©poux surchargea de douleurs, L'autre, par son enfant Madone transpercĂ©e, Toutes auraient pu faire un fleuve avec leurs pleurs ! Ah! que j'en ai suivi de ces petites vieilles! Une, entre autres, Ă l'heure oĂč le soleil tombant Ensanglante le ciel de blessures vermeilles, Pensive, s'asseyait Ă l'Ă©cart sur un banc, Pour entendre un de ces concerts, riches de cuivre, Dont les soldats parfois inondent nos jardins, Et qui, dans ces soirs d'or oĂč l'on se sent revivre, Versent quelque hĂ©roĂŻsme au cĆur des citadins. Celle-lĂ , droite encor, fiĂšre et sentant la rĂšgle, Humait avidement ce chant vif et guerrier; Son Ćil parfois s'ouvrait comme l'Ćil d'un vieil aigle; Son front de marbre avait l'air fait pour le laurier! Telles vous cheminez, stoĂŻques et sans plaintes, A travers le chaos des vivantes citĂ©s, MĂšres au cĆur saignant, courtisanes ou saintes, Dont autrefois les noms par tous Ă©taient citĂ©s. Vous qui fĂ»tes la grĂące ou qui fĂ»tes la gloire, Nul ne vous reconnaĂźt ! un ivrogne incivil Vous insulte en passant d'un amour dĂ©risoire; Sur vos talons gambade un enfant lĂąche et-vil. Honteuses d'exister, ombres ratatinĂ©es, Peureuses, le dos bas, vous cĂŽtoyez les murs; Et nul ne vous salue, Ă©tranges destinĂ©es ! DĂ©bris d'humanitĂ© pour l'Ă©ternitĂ© mĂ»rs! Mais moi, moi qui de loin tendrement vous surveille, L'Ćil inquiet, fixĂ© sur vos pas incertains, Tout comme si j'Ă©tais votre pĂšre, ĂŽ merveille! Je goĂ»te Ă votre insu des plaisirs clandestins Je vois s'Ă©panouir vos passions novices ; Sombres ou lumineux, je vis vos jours perdus; Mon cĆur multipliĂ© jouit de tous vos vices! Mon Ăąme resplendit de toutes vos vertus ! Ruines ! ma famille ! ĂŽ cerveaux congĂ©nĂšres ! Je vous fais chaque soir un solennel adieu ! OĂč serez-vous demain, Ăves octogĂ©naires, Sur qui pĂšse la griffe effroyable de Dieu? © WikiPoemes - Droits de reproduction et de diffusion rĂ©servĂ©s.
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dans les plis sinueux des vieilles capitales